Tout le monde connaît cette chanson intitulée :»Elle est d’ailleurs», un poème d’amour d’une grande limpidité, tout en douceur et simplicité : Jean Pierre Lang et Pierre Bachelet ont écrit et composé, là, un chef d’œuvre de poésie.
Le regard de la jeune femme, reflet de l’âme et de l’être est d’abord souligné : des «lumières» au fond des yeux, qui rendent «aveugles ou amoureux» : c’est bien l’éblouissement de l’amour qui est ici évoqué… puis ses «gestes de parfum» sont mis en valeur, belle expression qui associe la perception visuelle et la sensation olfactive : on perçoit un sillage qui suit la bien-aimée, femme de mystère, lointaine, inaccessible.
On voit des gestes si émouvants que le poète est comme étourdi, ébloui : il se transforme lui-même et devient «bête» stupéfiée, face à tant d’harmonie.
La femme silencieuse et lointaine est d’autant plus éblouissante : » elle a de ces manières de ne rien dire qui parlent au bout des souvenirs», l’oxymore «ne rien dire/ parler» accroît l’impression de mystère qui entoure la jeune femme. Les gestes, les mouvements les plus simples sont magnifiés : une manière de traverser une rue au quotidien, une façon de se pencher à une fenêtre.
L’évocation se précise avec la description des mains, celles d’une «dentellière» : la référence au célèbre peintre Vermeer transforme la femme aimée en une œuvre d’art, un tableau plein de lumières et d’éclats.
Enfin, la silhouette apparaît : une silhouette vénitienne, digne d’une peinture de Véronèse. Venise, ville de splendeurs, des arts les plus divers est ainsi associée à la bien-aimée.
Le refrain insiste sur la force de cet amour, qui mène à une forme d’esclavage devant «un sourire et un visage»… Le poète est prêt à suivre cette mystérieuse inconnue partout… l’amour conduit inévitablement à une sorte de douce aliénation.
Le refrain insiste sur l’idée de distance, d’éloignement : «Elle est d’ailleurs». La jeune femme semble appartenir à un autre monde : les mots, et l’amour, pour elle, sont «sans valeur» et elle laisse le poète sans réponse, dans l’incertitude.
Ainsi, le poète retranscrit tous les mystères de l’amour, souvent inexplicable : un regard, des gestes, une silhouette suffisent à émouvoir. La sifflante «s» est utilisée de manière récurrente, donnant une impression de douceur infinie : » ces lumières, c’est sûr, souvenirs, traverser, ce sourire, ce visage, sillages, elle passe, sans valeur, cette silhouette, ses persiennes, ce geste, esclavage».
Le thème de l’étrangeté de l’amour est bien illustré dans tout le texte : incompréhensible, il est auréolé de mystères, de brumes, d’incertitudes. La femme devient un être difficile à cerner, alors que ressortent sa grâce et sa beauté.
Les mots sont pleins de force et d’émotions : le poète tombe «en esclavage», il devient «chien», les mains de la jeune femme pourraient «damner l’âme d’un Vermeer.» La séduction est, ainsi, présentée comme un pouvoir irrésistible, auquel l’amoureux ne peut échapper. La mélodie douce, mélancolique s’égrène lancinante et traduit bien l’admiration, le bonheur, l’émotion de croiser la femme aimée et rêvée.
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